Initiative "Fibres Vertes du Rif"

Fiche Technique : Initiative "Fibres Vertes du Rif" – La renaissance écologique du textile berbère

Contexte et genèse d'une révolution artisanale
Dans les montagnes du Rif, une initiative novatrice redonne vie à un patrimoine textile en voie de disparition. Lancé en janvier 2024 par la Coopérative Tissages Naturels du Rif avec le soutien du Programme des Nations Unies pour le Développement (PNUD) et du Ministère du Tourisme, le projet Fibres Vertes du Rif combat simultanément trois fléaux : l'abandon des savoir-faire textiles ancestraux, la pollution des eaux par les teintures chimiques, et l'exode des jeunes vers les villes.

Un modèle de formation-production innovant
Le cœur du projet repose sur l'École-Atelier Azetta ("tisser" en amazigh), installée dans un ancien entrepôt colonial réhabilité à Chefchaouen. Vingt-cinq jeunes, sélectionnés parmi 300 candidats, y suivent un cursus inédit de neuf mois articulé autour de trois axes :

  1. La maîtrise régénérée des techniques ancestrales : sous la direction de tisserandes septuagénaires, les apprentis redécouvrent les secrets du tissage sur métier vertical et des motifs tribaux, tout en intégrant des innovations ergonomiques pour préserver leur santé musculo-squelettique – un fléau méconnu du métier selon une étude de la Faculté de Médecine de Tétouan.

  2. L'écologie appliquée au textile : en partenariat avec l'Institut National des Plantes Aromatiques et Médicinales (INPAM), le programme a redécouvert 17 plantes tinctoriales locales oubliées, permettant de remplacer 100% des colorants synthétiques. Les eaux de rinçage, autrefois polluantes, sont désormais traitées par un système de phytoépuration conçu avec l'École Hassania des Travaux Publics.

  3. L'entrepreneuriat circulaire : chaque stagiaire développe une collection capsule à partir de chutes de tissus, commercialisée via la plateforme collaborative TissuSolidaire.ma.

Impacts quantifiés et transformations sociales
Les résultats de la première promotion, évalués par l'Observatoire Économique du Nord, dépassent les attentes :

  • 92% d'insertion professionnelle, avec des revenus moyens atteignant 6 800 DH/mois pour les diplômés ayant créé leur activité – trois fois le salaire minimum agricole local.

  • Une réduction de 83% de l'impact environnemental par rapport à la production textile conventionnelle, calculée via l'analyse du cycle de vie menée par l'Université Abdelmalek Essaâdi.

  • Un effet d'entraînement sur 47 familles d'agriculteurs fournissant les plantes tinctoriales, dont les revenus ont augmenté de 35%.

L'innovation comme pont entre les générations
L'aspect le plus remarquable du projet réside dans son système de "banque de motifs" numérique : les motifs traditionnels documentés par scanner 3D sont sauvegardés dans une blockchain culturelle, tout en restant la propriété collective des tribus d'origine. "Ce dispositif empêche l'appropriation culturelle tout en permettant une création contemporaine", explique le Pr. Amrani, anthropologue à l'IRCAM.

Défis et perspectives
Si le modèle fait des émules – une réplique est prévue dans l'Atlas avec les tapis Beni Ourain – trois obstacles persistent :

  1. L'accès difficile aux financements pour l'achat de matières premières bio

  2. La concurrence déloyale des imitations industrielles

  3. La nécessité d'une certification "Textile Éthique" reconnue internationalement

Témoignage d'une renaissance
"Mes grands-mères pleuraient en voyant nos nouvelles étoffes : mêmes couleurs qu'avant, mais sans détruire la terre", raconte Fatima, 24 ans, dont la collection a été repérée par un créateur parisien. Son histoire illustre comment l'écologie peut devenir le meilleur allié de la tradition.

→ Pour s'informer : Le documentaire "Les Fils de la Terre" (2M, 2024) retrace l'aventure du projet. Les candidatures pour 2025 s'effectuent via la page Facebook FibresVertesRif.

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