Le rôle des femmes rurales dans la transition verte : mémoire vivante et avenir durable
Introduction :
Elles ne sont pas toujours visibles dans les rapports officiels, rarement invitées aux tables rondes, encore moins représentées dans les comités techniques. Et pourtant, sans elles, aucune transition écologique ne sera possible. Les femmes rurales marocaines — mères, jardinières, tisseuses, semeuses, gardiennes — portent depuis toujours un rapport intime, silencieux, mais structurant avec la terre. Aujourd’hui, alors que le Maroc repense son avenir climatique, leur voix devient indispensable. Pas seulement pour des raisons d’inclusion, mais parce qu’elles détiennent un savoir, une pratique, une vision : une écologie vécue, non théorisée.
Une mémoire agricole et domestique du vivant
Conservation des semences, gestion de l’eau domestique, choix des cultures selon les saisons lunaires, compostage, stockage du fourrage, soin aux animaux… Les femmes rurales détiennent une expertise discrète mais essentielle, souvent transmise oralement. Cette mémoire est une infrastructure écologique que trop de programmes ignorent. La reconnaître, c’est élargir le spectre de ce que nous appelons « compétence environnementale ».
Des pratiques sobres par nécessité, devenues modernes par urgence
Ce que l’on nomme aujourd’hui « sobriété » — recyclage, circuits courts, zéro déchet — a toujours été une pratique quotidienne pour beaucoup de femmes rurales. Non par choix idéologique, mais par adaptation, par responsabilité, parfois par manque. Ce savoir-faire d’économie circulaire domestique est aujourd’hui un atout stratégique pour imaginer des modèles de consommation plus justes.
Former, équiper, reconnaître : des conditions pour libérer le potentiel
La participation des femmes à la transition verte ne se décrète pas. Elle se construit :
Par l’accès à la terre et à la propriété foncière.
Par la reconnaissance du travail domestique et agricole dans les politiques publiques.
Par des formations techniques adaptées (énergies renouvelables, agroécologie, transformation locale).
Par la mise en réseau des coopératives féminines et leur inclusion dans les circuits économiques.
Technologie et justice de genre : une alliance à construire
L’intelligence artificielle, les plateformes numériques, les capteurs environnementaux… Toutes ces technologies peuvent être mises au service des femmes rurales, à condition d’être pensées avec elles, dans leur langue, leur contexte, leur rythme. Il ne s’agit pas de les « alphabétiser au digital », mais d’écouter ce que leur rapport au vivant peut apprendre à la technologie.
Conclusion : écologie féminine, écologie du soin
Les femmes rurales ne demandent pas à être sauvées. Elles demandent à être écoutées, respectées, accompagnées. Dans leurs gestes quotidiens se trouvent des clés pour soigner les sols, les cycles, et les liens. Faire une place centrale à leur savoir et à leur action, ce n’est pas une faveur. C’est une stratégie. Une stratégie d’avenir.
Car toute terre féconde a besoin de mains patientes. Et de regards qui savent voir ce qui pousse, même dans les marges.