Politiques Publiques de l’emploi : l’Artisanat Durable pour le Maroc de Demain
Jeunes Artisans du Durable : Comment les Politiques Publiques Écrivent une Nouvelle Page de l’Artisanat Marocain
Dans les ruelles de la médina de Fès, un atelier pas comme les autres attire les regards. Sur sa devanture, une plaque annonce : "Centre de Formation aux Métiers Verts – Partenariat OFPPT". Ici, depuis 2022, une vingtaine de jeunes apprennent à marier techniques ancestrales de zellige et principes d’économie circulaire. Cette initiative, fruit d’un programme public ambitieux, illustre une tendance plus large : la mutation des politiques d’appui à l’artisanat vers des modèles intégrant pleinement le développement durable.
L’Émergence d’un Nouveau Modèle de Formation
"Avant, on apprenait le métier les mains dans la terre, sans trop réfléchir aux débouchés", raconte Hicham, 24 ans, en ajustant précieusement des tessons de céramique recyclée. "Aujourd’hui, notre formation à l’OFPPT inclut des modules sur l’éco-conception et le marketing digital." Ce témoignage reflète une évolution majeure.
Les programmes comme "Compétences Vertes", lancé en 2021 par l’Office en partenariat avec le Ministère de l’Artisanat, représentent désormais 15% des cursus artisanaux. Un récent rapport de la Banque Mondiale (2023) souligne que les artisans formés dans ces filières voient leurs revenus augmenter de 40% en moyenne par rapport aux parcours traditionnels.
Une Cartographie des Dispositifs Publics
Trois types d’outils structurent aujourd’hui l’accompagnement des jeunes artisans du durable :
Les incubateurs territoriaux : À l’image du Green Maker Lab de Marrakech, ces espaces combinant ateliers et coworking bénéficient de subventions pouvant atteindre 300 000 DH via le Fonds Hassan II.
Les certifications professionnelles : L’OFPPT a développé 12 diplômes spécifiques, comme le "Technicien en Éco-Construction en Terre Crue", reconnus par l’État et les professionnels.
Les mécanismes de financement : Le programme Moukawalati propose désormais une branche "artisanat vert" avec des prêts à 2% contre engagement à utiliser des matériaux locaux.
Le Cas Éloquent des Tisseuses de Taliouine
Dans le Souss, une coopérative de tisseuses a servi de pilote à une approche intégrée. Grâce à :
Une formation OFPPT sur les teintures végétales
Un accompagnement de l’ANDZOA pour la certification bio
Un prêt solidaire de 120 000 DH
Leur chiffre d’affaires a triplé en deux ans, avec 60% de production exportée vers l’Europe. "Les clientes étrangères veulent connaître l’histoire derrière chaque pièce", explique Fatema, 29 ans, en montrant des étiquettes QR code retraçant l’origine des laines.
Les Défis Persistants
Pourtant, des lacunes subsistent :
Seuls 8% des artisans ruraux ont accès à ces dispositifs (Enquête HCP 2023)
Les formations négligent souvent la gestion financière de base
L’accès aux marchés internationaux reste complexe sans appui à la certification
Perspectives : Vers un Écosystème Plus Intégré
Les pistes d’amélioration émergent :
-Déploiement de "bus de formation" mobiles pour les zones reculées
- Création d’une plateforme "Artisanat Durable Maroc" regroupant offres d’accompagnement
- Intégration systématique des artisans dans les appels d’offres publics écologiques
Conclusion : Un Patrimoine Qui Se Réinvente
Comme le souligne le Professeur El Mansouri (Université Mohammed V) : "L’artisanat marocain vit sa troisième renaissance : après l’ère du savoir-faire pur et celle de la commercialisation, voici venue l’époque de la durabilité systémique."
Dans les allées de la médina, Hicham et ses camarades en sont la vivante illustration. Leurs mains pétrissent encore la terre comme des générations avant eux, mais leurs yeux sont désormais rivés sur un avenir où tradition rime avec innovation responsable.
→ Pour aller plus loin : Le programme "100 Jeunes Artisans pour le Climat" lancé en 2024 par la Fondation Mohammed VI prévoit de former une nouvelle génération aux métiers de la restauration écologique du patrimoine.
